Autoportrait de Jérôme Cardan

Histoire des nombres complexes

Les nombres complexes sont apparus afins de résoudre certains problèmes. Dans cet article, nous allons voir en détail l’histoire de leur apparition.

Premiers ensembles de nombres

Le premier ensemble de nombres découvert est l’ensemble \mathbb N des entiers naturels, celui qui nous sert à compter. Or, cet ensemble ne permet pas de résoudre tous les problèmes qu’il nous permet d’écrire. En effet l’équation 2x + 4 = 0 n’admet pas de solution dans \mathbb N.

Il a donc fallu créer un ensemble plus grand, permettant de résoudre l’équation précédente, mais contenant l’ensemble \mathbb N. Cet ensemble est l’ensemble des entiers relatifs \mathbb Z, qui ajoute les entiers négatifs.

Cependant, on peut toujours trouver des équations dont les solutions ne sont pas dans \mathbb Z. Par exemple l’équation 2x + 1 = 0 n’admet pas de solution dans \mathbb Z. Par un procédé analogue, on a ainsi créé les ensembles \mathbb D, \mathbb Q puis \mathbb R.

Résolution des équations du troisième degré

Au XVIe siècle, le problème de la résolution des équations du troisième degré passionne un bon nombre de mathématiciens italiens.

Scipione Del Ferro (1465-1526) est le premier à trouver une méthode pour résoudre certaines de ces équations, mais la garde secrète. À sa mort, en 1526, son élève Anto Maria Del Fiore parvient à récupérer cette méthode. Lui aussi la garde secrète, mais décide de défier les autres mathématiciens sur la résolution de ces équations.

En 1535, Tartaglia (1499-1557) relève le défi, et s’engage dans un duel. Chacun déposa une liste de 30 problèmes chez un notaire ainsi qu’une somme d’argent. Celui qui, dans les 40 jours, aurait résolu le plus de problèmes serait désigné vainqueur et remporterait la somme.

Juste avant la date limite, Tartaglia trouve la résolution générale de ce type d’équations, et les résout toutes en quelques heures. Il remporte alors le concours mais refuse le prix. Trop heureux de sa méthode, il décide de ne pas la divulguer afin de gagner facilement d’autres concours.

Autoportrait de Jérôme Cardan
Autoportrait de Jérôme Cardan
Portrait de Tartaglia
Portrait de Tartaglia

Le mathématicien renommé Jérôme Cardan (1501-1576) entend parler de la réussite de Tartaglia et, après plusieurs entretiens, réussit à lui arracher sa méthode. Cardan promet de ne jamais la divulguer. Il la publie sous son nom dans son ouvrage Ars Magna un an plus tard, ayant appris entre temps que cette méthode avait été découverte par Del Ferro avant Tartaglia.

Pour l’équation x^3 + px = q, la méthode trouvée par Cardan donne la solution suivante :

    \[x_0 =  \sqrt[\leftroot{-1}\uproot{2}\scriptstyle 3]{\frac{q}{2} - \sqrt{\Delta}} + \sqrt[\leftroot{-1}\uproot{2}\scriptstyle 3]{\frac{q}{2} + \sqrt{\Delta}} \quad\text{si}\quad \Delta = \frac{q^2}{4} + \frac{p^3}{27} \geqslant 0\]

Cette formule est depuis lors appelée formule de Cardan.

Un premier exemple

On considère l’équation x^3 - 3x = 2. Nous pouvons appliquer la formule de Cardan avec p=-3 et q=2 car :

    \[\Delta = \frac{2^2}{4} + \frac{(-3)^3}{27}  = \frac{4}{4} + \frac{-27}{27}  = 1 - 1  = 0 \geqslant 0\]

Voici ce que l’on obtient :

    \[x_0 = \sqrt[\leftroot{-1}\uproot{2}\scriptstyle 3]{\frac{2}{2} - \sqrt{0}}+\sqrt[\leftroot{-1}\uproot{2}\scriptstyle 3]{\frac{2}{2} + \sqrt{0}} = \sqrt[\leftroot{-1}\uproot{2}\scriptstyle 3]{1}+\sqrt[\leftroot{-1}\uproot{2}\scriptstyle 3]{1} = 1+1 = 2\]

Ainsi, x_0 = 2 est solution de l’équation. En effet, 2^3 - 3 \times 2 = 8 - 6 = 2.

Limites de cette formule

Considèrons maintenant l’équation x^3 - 15x = 4. Celle-ci revient à prendre p = -15 et q = 4. Voici ce qu’on obtient :

    \[\Delta = \frac{4^2}{4} + \frac{(-15)^3}{27}  = \frac{16}{4} + \frac{-3375}{27}  = 4 - 125 = -121 < 0\]

Cette valeur de \Delta ne nous permet pas d’appliquer la formule de Cardan, puisqu’il faudrait calculer la racine carrée d’un nombre négatif.

Vers la notation i et les nombres complexes

Au lieu de se démener, Cardan, bientôt suivi de Raphaël Bombelli (1526-1572), introduit un nombre imaginaire dont le carré vaut -1, et le note \sqrt{-1}, afin de pallier ce problème.

Une première notation et calculs intermédiaires

Avant de continuer, nous allons faire deux calculs dont nous auront besoin pour la suite.

En admettant comme eux que \left( \sqrt{-1} \right)^2 = -1, et en utilisant les règles habituelles d’addition et de multiplication ainsi que le binôme de Newton, on peut obtenir les résultats suivants :

    \begin{align*} (2 + \sqrt{-1})^3 &= 2^3 + 3 \times 2^2 \times \sqrt{-1} + 3 \times 2 \times \sqrt{-1}^2 + \sqrt{-1}^3 \\ &= 8 + 12 \sqrt{-1} + 6 \times (-1) + (-1) \times \sqrt{-1} \\ &= 2 + 11 \sqrt{-1} \end{align*}

    \begin{align*} (2 - \sqrt{-1})^3 &= 2^3 - 3 \times 2^2 \times \sqrt{-1} + 3 \times 2 \times \sqrt{-1}^2 - \sqrt{-1}^3 \\ &= 8 - 12 \sqrt{-1} + 6 \times (-1) - (-1) \times \sqrt{-1} \\ &= 2 - 11 \sqrt{-1} \end{align*}

Retour à notre deuxième exemple

Reprenons l’équation x^3 - 15x = 4. Essayons d’appliquer la formule de Cardan :

    \[x_0 = \sqrt[\leftroot{-1}\uproot{2}\scriptstyle 3]{\frac{4}{2} - \sqrt{-121}} + \sqrt[\leftroot{-1}\uproot{2}\scriptstyle 3]{\frac{4}{2} + \sqrt{-121}} = \sqrt[\leftroot{-1}\uproot{2}\scriptstyle 3]{2 - 11 \sqrt{-1}} + \sqrt[\leftroot{-1}\uproot{2}\scriptstyle 3]{2 + 11 \sqrt{-1}}\]

On retrouve ainsi sous les racines cubiques les membres de droites de nos calculs intermédiaires. Nous n’avons plus qu’à les utiliser :

    \[x_0 = \sqrt[\leftroot{-1}\uproot{2}\scriptstyle 3]{\left( 2 - \sqrt{-1} \right)^3} + \sqrt[\leftroot{-1}\uproot{2}\scriptstyle 3]{\left( 2 + \sqrt{-1} \right)^3} = \left( 2 - \sqrt{-1} \right) + \left( 2 + \sqrt{-1} \right) = 4\]

Finalement, les nombres imaginaires que nous avons introduits s’annulent, ne laissant que x_0 = 4 comme solution. En effet, 4^3 - 15 \times 4 = 64 - 60 = 4.

Le nombre complexe i

En 1774, Leonhard Euler (1707-1783) constate que cette notation \sqrt{-1} contredit la règle de calcul \sqrt{a} \times \sqrt{b} = \sqrt{a \times b}. En effet, voici le type de calcul que l’on pourrait faire avec cette notation :

    \[1 = \sqrt{1} = \sqrt{(-1) \times (-1)} = \sqrt{-1} \times \sqrt{-1} = -1\]

Bien sûr, cette contradiction rend l’utilisation de cette notation peu pratique. Euler propose alors de remplacer la notation \sqrt{-1} par la notation i. On a donc i^2 = -1. La notation \sqrt{-1} sera ensuite abandonnée par souci de clarté.

Portrait de Leonhard Euler
Portrait de Leonhard Euler
Portrait de Carl Friedrich Gauss, mathématicien et physicien allemand du XIXe siècle.
Portrait de Carl Friedrich Gauss

Nombres complexes

Le nombre i permet d’écrire des nombres de la forme a + ib, avec a et b des réels, comme 2 + 2i par exemple. Ces nombres étant composés de deux parties, ils seront appelés des nombres complexes par Carl Friedrich Gauss (1777-1855) en 1831.

Ainsi, nous avons pu voir que les nombres complexes permettent de trouver des solutions réelles à certaines équations. Cependant, elle permet également de résoudre des équations sans solution réelle. Ainsi, l’équation x^2 + 1 = 0 n’a pas de solution réelle, mais a deux solutions complexes : i et -i.

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